« Ce sera une charpente faite d’arbres, pas des arbres sciés,
équarris, rabotés, mais des arbres encore arbres, avec leur
forme d’arbre, même si elle est tordue…. »
Cette phrase vous l’avez peut-être déjà lue, elle
figure au début de l’Art de la fuste. On parlait alors de maisons
en bois brut, construites avec des rondins empilés, de bois résineux
uniquement, car plus légers et donc plus isolants.
Aujourd’hui, il s’agit de charpentes en bois brut taillées uniquement
dans des bois qui gardent leur forme naturelle.
Elles ne seront pas seulement en bois résineux, mais aussi dans
du bois dur et dense, le chêne, l’essence la plus abondante en France
.
Les structures charpentées que nous réaliserons en résineux
garderont la forme de bois rond ou rondin, , celles réalisées
en chêne brut seront taillées dans des arbres de petit diamètre
qui auront été seulement dépouillés de leur
aubier, ce bois blanc peu durable. Ils conserveront leur cœur et leurs
forme d’arbre. On les appelle des bois de brin. Ils n’auront généralement
pas été sciés équarris mais simplement facés.
Cet ouvrage sera consacré uniquement aux techniques de charpente
en rondins de bois résineux, et à la méthode du plan
fictif qui permet de réaliser des assemblages de charpente traditionnelle
.
Bois résineux et chêne ont tous deux leur place
dans la charpente en bois brut mais il convient de bien comprendre les
grandes différences qui les distinguent et pourquoi le bois résineux
devrait être utilisé sous sa forme de bois rond ou rondin,
et le chêne sous sa forme bois de brin facé. C’est pourquoi
nous avons consacré dans cet ouvrage quelques pages à expliquer
les grandes différences entre bois résineux et chêne,
et à justifier l'utilisation des résineux en rondins (ou
bois rond)
Les méthodes de traçage que nous proposerons seront
différentes pour les bois ronds résineux et les bois de brin
en chêne mais toutes concernent des structures charpentées
triangulées, donc indéformables, et dont les assemblages
obliques supportent essentiellement des contraintes de traction et de compression,
là où le bois est à son avantage.
L’assemblage oblique embrevé a permis l’essor de la charpente
triangulée en Europe et en particulier de cette ferme latine, si
répandue en Europe, et qui forme avec seulement 6 pièces
de bois un réseau triangulé indéformable capable de
supporter des charges importantes.
Les fermes latines en bois massif équarri ont été
largement bien étudiées par les charpentiers, tant du point
de vue du calcul de résistance mécanique que de leur réalisation.
Les ouvrages de référence sont abondants, mais aucun n’envisage
la construction d’une ferme en rondins bruts. Le but de cet ouvrage est
d’apporter quelques solutions qui sont le fruit d’échanges
avec des logs builders (fustiers) et de charpentiers de tous pays,
et surtout de beaucoup de pratique et de partage lors de nombreux
stages.
Dans l’Art de la Fuste, tome 4, nous avions exposé sommairement
le principe de construction d’une ferme latine en rondins bruts, et notamment
la méthode de traçage bien particulière du «
plan fictif » bien différente du piquage au plomb des méthodes
traditionnelles de la charpente en bois équarri. Elle nous a été
suggérée par les principes du lofting de la charpente marine.
Mais la différence entre une ferme en rondin par rapport au
bois équarri, ne se réduit pas seulement aux méthodes
de traçage :
En bois équarri, les pièces sont de section régulière,
tandis que le rondin est de diamètre décroissant, et qu’il
peut avoir des formes diverses (courbure, bosses, méplats, redents…).
Une ferme ou un lien en rondin devra donc tenir compte de ces différences
de diamètre lors du choix des pièces de bois et lors du traçage
de l’épure.
En bois équarri, les assemblages des différentes pièces,
arbalétrier sur entrait et poinçon, contrefiches sur poinçon
et arbalétrier, engendrent des plans de coupes qui forment des surfaces
quadrilatères à angles droits ; il est donc relativement
aisé de calculer la résistance mécanique des assemblages
créés, en compression, traction et cisaillement
En rondins bruts, tous les plans de coupe ou d’intersection sont des
ellipses, ou segments d’ellipses, figures formées par la rencontre
de cylindres avec des plans obliques. Cela rend plus complexe les calculs
de résistance et conduit à adopter des principes quelque
peu différents de la charpente en bois équarri, même
si les bases de calcul restent les mêmes pour bois équarris
et rondins.
Il nous a donc semblé utile de reprendre en détail la
construction d’une ferme latine traditionnelle en rondins bruts, tant sur
le plan du calcul de résistance que du traçage et de la découpe.
Nous
étendrons un peu le sujet en annexe en abordant le traçage
particulier des liens de charpente ou fiches de contreventement, également
utilisés en structures poteaux-poutres.
L’utilisation du rondin brut en charpente et dans les structures poteaux
ne se limite pas aux constructions en bois brut empilé, que nous
appelons fustes. Elle peut trouver aussi et avec bonheur une large utilisation
dans la construction moderne ou en rénovation et pas seulement dans
les maisons en bois massifs.
Certains y verront le mariage de la nature, de la force du bois rond
et de l’habitat contemporain....